Trek au Pérou : le condor, Isabelle et les bières (étape 6)

trek cordillère blanche condor

Huilca (4080m) - Col de Pucajirca (4600m) - Jancapampa (3600m)
Déniv +600m / -1000m
Distance 12km
4h45 de marche hors pause.

Ce matin encore, les tentes sont bien couvertes de givre. Notre chemin passe à proximité d'une ferme, bâtisse en pierre ouverte au vent, où toute une famille cohabite avec cochons noirs et cochons d'Inde, la viande de ces derniers étant particulièrement appréciée au Pérou. Les conditions de vie sont particulièrement rudes, les membres de la famille se relaient, passant leur tour venu plusieurs semaines ici. Nous essayons de prendre nos photos le plus discrètement possible, de loin au téléobjectif afin que notre curiosité ne soit ni envahissante ni gênante.

Nous entamons notre ascension vers le col et sommes dépassés par notre équipe de muletiers qui, plutôt que d'emprunter les lacets du chemin tracé attaque pleine pente, en courant et criant derrière les mules. C'est qu'aujourd'hui, il y a compétition : deux ou trois groupes de trekkeurs se disputent certains jours l'emplacement le plus plat des zones de campement. L'objectif de nos experts en logistique est donc d'arriver avant les autres équipes, et même Isidoro s'en mêle, cherchant à distraire les mules des caravanes concurrentes par tous les moyens . Plus par jeu que par réel besoin, car ce soir, il y aura de la place pour tout le monde, le cirque de Jancapampa est immense.

Le boulot de muletier n'est pas de tout repos. Hier matin, quelques mules dégourdies sont parties à l'aventure attirées par les premiers rayons du soleil environ 300m au dessus du camp. Nos compagnons ont mis presque trois quarts d'heure à les récupérer. Un muletier, lorsqu'il négocie son salaire de manière indépendante gagne environ chaque jour 10$ auxquels s'ajoutent 5$ par mule. Nous ne connaissons pas le "tarif négocié" par les agences de trek.

Moins pressés, nous nous arrêtons soudainement pour apprécier le vol d'un condor. Le condor est un rapace cousin des faucons d'une envergure de plus de trois mètres. Il se nourrit des cadavres d'animaux et contribuent ainsi au nettoyage naturel des montagnes.
Mais, c'est aussi un animal fier et hautain : volant haut afin d'élever le débat, il vous repère bien avant que vous ne l'ayez vu. Le temps de sortir l'appareil photo, de fixer le téléobjectif, il plane au dessus de vous. Maintenant, vous visez, déclenchez l'appareil pour constater que les premières images sont floues. Là, le condor esquisse un petit sourire moqueur avec son bec crochu, et file de l'autre côté de la montagne, hors de vue laissant le photographe bredouille. D'où l'expression : "El Condor pasa"...

Nous arrivons au col et découvrons le Pucajirca Norte, 6050m, puis descendons jusqu'à un petit lac bleu entouré d'arbres merveilleux. D'autant plus féériques que nous n'en avons pas vu depuis plusieurs jours. Nous déjeunons sous les branches avant de reprendre la marche, jusqu'à Jancapampa (3600m).

A nouveau, un pont manque et il nous faut traverser le torrent par des moyens improvisés. Catalino propose d'utiliser les services d'El Mensajero, notre cheval ambulance. Mais nous préférons tous ôter nos chaussures pour passer à pieds, l'eau glacée à mi-cuisses, les 5 mètres qui nous séparent de l'autre rive, malgré le courant fort.
Enfin presque tous ... Isabelle, pas trop inspirée par le passage préfère remonter le torrent en quête d'un meilleur endroit. Elle remonte, et remonte encore jusqu'à devenir un petit point bien lointain au fond du cirque. "Isabelle, reviens ! ça passe !" Mais non, notre compagne continue à s'éloigner ... "Va pas plus loin : tu va attaquer la montagne !" Rien n'y fait !
Isabelle arrivera t-elle jusqu'au glacier ? Traversera t-elle sous les séracs ? Enchainera t-elle les trois pics du Pucajirca (6039m) avant de trouver un chemin ? Catalino accompagné de son fidèle destrier, n'en pouvant plus d'attendre part à sa rencontre.
Ouf, quelques longues minutes plus tard, lui et notre fuyarde nous retrouvent au camp.

Des familles venues des fermes environnantes nous attendent au milieu des tentes, des bières et autres bouteilles disposées sur des couvertures. Carlos nous explique les règles du commerce local : faire le maximum pour acheter un montant identique à tout le monde, faire l'appoint. Ce qui n'est pas simple quand chacun d'entre nous n'a que des billets dans le portefeuille, n'ayant pas eu l'occasion depuis le départ de "faire" de monnaie.

Enfin, nous repartons avec suffisamment de bouteilles pour tout le groupe avant d'échanger quelques chansonnettes françaises et péruviennes sous la grande tente, remplissant les gobelets plastiques de mousse.
On ne dira jamais assez l'importance de la bière dans le régime alimentaire des montagnards.







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